Méthanisation et AB : que dit la loi ?

Pour une utilisation des digestats sur des parcelles en Agriculture Biologique (AB), les règles en vigueur reposent sur les principes suivants :

  • les matières entrantes dans le méthaniseur doivent être compatibles avec un épandage en AB (voir annexe I du Règlement Européen 889/2008) ;
  • les fermes bio doivent récupérer autant d’azote qu’apporté au méthaniseur ;
  • les digestats ne doivent pas être appliqués sur les parties comestibles de la plante.

Matières entrantes compatibles

  • Effluents agricoles : Fumiers, Fumiers séchés ou fientes de volaille déshydratées, Excréments d’animaux liquides (lisier)

Compatibles avec un épandage en AB, même si issus d’exploitations conventionnelles. Cependant, la provenance d’élevages industriels* est interdite.

  • Matières végétales non transformées

Compatibles avec un épandage en AB, même si issues de l’agriculture conventionnelle (sauf OGM), ou issues des industries agro-alimentaires (ex : épluchures de carotte).

 

*Selon le guide INAO, les élevages industriels sont définis comme suit :

  • Élevages en système caillebotis ou grilles intégral et dépassant les seuils définis en annexe I de la directive n°2011/92/UE ;
  • Élevages en cages et dépassant les seuils définis en annexe I de la directive n°2011/92/UE.

Et l’annexe I de la directive n°2011/92/UE précise les seuils suivants :

  • Plus de 85 000 emplacements pour poulets,
  • Plus de 60 000 emplacements pour poules,
  • Plus de 3 000 emplacements pour porcs de production (de plus de 30 kg),
  • Plus de 900 emplacements pour truies.
  • Biodéchets / Soupe de déconditionnement

Autorisation conditionnée. Provenant des particuliers (collecte porte-à-porte et points d’apport volontaire), des entreprises de transformation alimentaire et du secteur tertiaire, triés à la source et habituellement collectés par les collectivités (via leur compétence de collecte).

  • Sous-Produits Animaux SPAn 2 ou 3

Autorisation conditionnée. Autorisé pour les intrants conformes à l’annexe 1 du règlement européen annexe I de la directive n°2011/92/UE ainsi que pour les sous-produits animaux de catégorie 3 et le contenu du tube digestif relevant de la catégorie 2 (catégories 2 et 3 telles que définies par le règlement (CE) n°1069/2009) qui ne doivent pas provenir d’élevages industriels.

  • Boues de station d’épuration et/ou issues des industries agro-alimentaires

Non compatibles avec un épandage en AB.

Lors de l’audit annuel de l’organisme certificateur AB, les justificatifs concernant les intrants utilisés pour la production des produits à certifier sont demandés. Dans le cas d’une utilisation de digestat, il faut donc justifier de l’ensemble des matières entrées en méthanisation avec attestation de provenance. Ces justificatifs sont ensuite analysés par l’organisme certificateur pour valider le respect des règlements RE889/2008 et RE834/2007 :

  • Si les intrants sont labellisés « Utilisable en Agriculture Biologique » ou « UAB »*, alors cette désignation est suffisante.
  • Dans le cas contraire, l’exploitant doit fournir un dossier d’une quinzaine de pages justifiant la composition des intrants utilisés avec attestation de provenance.

*L’attestation “UAB” de chaque intrant est une prestation proposée par les organismes certificateurs sous différentes formes (mention Utilisable en AB, logo de l’organisme certificateur, étiquetage, etc). Ces prestations correspondent à des stratégies marketing des organismes certificateurs lors de la mise en marché de ces intrants.

Méthanisation collective

Je suis un agriculteur en AB, on me propose de rejoindre un collectif de méthanisation mais il y a des agriculteurs conventionnels dans le groupe.  Est-ce que cela pose problème ? A quoi dois-je faire attention ?

Une ferme bio peut apporter des matières (effluents d’élevage ou cultures) à une unité de méthanisation collective, dont les intrants peuvent ne pas être tous issus de l’AB, à condition qu’elle épande sur des terres bio les digestats qui en seront issus, au prorata de son apport d’azote et que les intrants de la méthanisation soient compatibles avec la liste de l’Annexe du Réglement AB (voir plus haut).

Effets sur la performance des systèmes de culture

Les principales synergies observées entre la méthanisation et la conduite d’une ferme en agriculture biologique portent sur l’impact des digestats sur la fertilisation azotée et sur la matière organique des sols.

La méthanisation, en favorisant la minéralisation de l’azote dans le digestat (cf. Valeur fertilisante azotée des digestats), permet, pour l’application de pratiques de fertilisation similaires (mêmes t/ha appliquées), l’augmentation des rendements (en moyenne de +20 à 25 % : observations réalisées sur des céréales d’hiver, maïs et prairies par rapport aux rendements moyens observés sur ces cultures en AB sans méthanisation). Il est également observé une amélioration des teneurs en protéines et en gluten des grains (+12 % en moyenne ).

Sur la matière organique, il est montré que l’augmentation des rendements des cultures et des intercultures, associée à l’épandage du digestat, contribue à maintenir le stock de carbone dans les sols (cf. Stockage de matière organique dans les sols).

En revanche, l’impact de l’épandage de digestats sur la micro- et mésofaune du sol ne fait pas consensus dans la bibliographie, pouvant pouvant être tantôt négatif, tantôt neutre, tantôt positif selon la nature du digestat, le type de sol et les conditions d’épandage (cf. Effets des digestats sur la microbiologie des sols agricoles).

Sur la gestion des adventices, la méthanisation a des effets positifs, par abattement du pouvoir germinatif des graines, et par la couverture des sols pour la production de CIVE (cultures intermédiaires à vocation énergétique), qui permettent de limiter le développement des adventices.

Sur les maladies et les ravageurs des cultures, l’allongement et la diversification de la rotation grâce à l’introduction des CIVE peut avoir un effet bénéfique mais offre également un refuge favorable à la biodiversité qui peut limiter la production (limaces, escargots, petits rongeurs, gros gibier) (cf. projet Méthafaune).

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.