La méthanisation est un procédé biologique dans lequel des microorganismes (bactéries et archae) décomposent la matière organique en conditions anaérobies (en absence d’oxygène). Cela produit un biogaz, principalement composé d’environ 50 % à 70 % de méthane (CH4) et de 20 % à 50 % de dioxyde de carbone (CO2), mais contenant également d’autres gaz tels que le sulfure d’hydrogène (H2S), la vapeur d’eau, le dihydrogène (H2) et l’ammoniac (NH3).  Ce biogaz, source d’énergie, peut être utilisé sous forme de combustible pour la production d’électricité et de chaleur, pour la production d’un carburant, ou pour l’injection dans le réseau de gaz naturel après épuration. Cette dégradation anaérobie génère également un produit humide, riche en matière organique partiellement stabilisée, appelé digestat. 1 tonne de déchet entrant génère 800 kg de digestat et 15 à 450 m3 de biogaz selon le résidu organique méthanisé.

Margaud Pérémé, 2022, unité de méthanisation à la ferme, énergie renouvelable et développement durable
Unité de méthanisation, © Margaud Pérémé

Une succession de réactions biologiques

La méthanisation résulte de l’action de certains groupes de microorganismes en interaction constituant un réseau trophique. On distingue classiquement quatre phases successives :

  • l’hydrolyse : la matière organique complexe, classiquement constituée de polysaccharides, protéines et lipides, est décomposée en molécules simples (respectivement des sucres, acides aminés et acides gras) par des enzymes extracellulaires produites par des bactéries hydrolytiques ;
  • l’acidogenèse : les produits de l’hydrolyse sont fermentés en acides gras volatils (AGV) tels que l’acétate, le butyrate et le propionate par des bactéries fermentaires acidogènes. Cette étape est très rapide et l’accumulation d’acétate ou d’hydrogène en cas de surcharge organique peut causer des inhibitions de l’activité des microorganismes responsables des étapes suivantes ;
  • l’acétogenèse : les acides gras volatils sont convertis en acétate par des bactéries acétogènes productrices d’hydrogène et/ou des bactéries homoacétogènes produisant de l’acétate à partir de CO2 et d’hydrogène et contribuant à la régulation de la quantité d’hydrogène dans le milieu ;
  • la méthanogenèse : cette dernière étape est réalisée par des archées anaérobies strictes via deux mécanismes principaux :
    • la méthanogénèse acétoclastique, qui permet la transformation de l’acétate en méthane et dioxyde de carbone,
    • la méthanogénèse hydrogènotrophe, qui permet la transformation de l’hydrogène et du dioxyde de carbone en méthane.
Jimenez 2012, Processus biologiques impliqués dans la méthanisation qui résulte de l'action de certains groupes de microorganismes microbiens en interaction constituant un réseau trophique
Succession de réactions biologiques mises en œuvre pendant la méthanisation

Les transformations de la matière organique

Lors de la méthanisation, des bactéries et archae anaérobies transforment la matière organique biodégradable contenue dans les résidus organiques en méthane (CH4) et dioxyde de carbone (CO2) via une cascade de processus biologiques symbiotiques.
Or, toute la matière organique d’un intrant n’est pas toujours biodégradable dans le méthaniseur. En effet, la qualité de cette matière organique peut varier d’un intrant à un autre et contenir des fractions plus ou moins accessibles et plus ou moins complexes permettant leur biodégradation. Parmi les macromolécules constituant la matière organique, on peut trouver les grandes familles biochimiques : protéines, lipides et  glucides, dont les fibres (cellulose, hémicellulose, lignine) font partie.

La matière organique non biodégradée est constituée de matière organique biodégradable de l’intrant mais qui n’a pu l’être dans les conditions du procédé (notamment faute d’une durée suffisante) et de matière organique non biodégradable par les microorganismes anaérobies présents (matière organique stable). A cette matière organique présente dans le digestat s’ajoute la matière organique provenant de la croissance des microorganismes, que ce soient les microorganismes eux-mêmes ou des produits sécrétés par ces derniers. Cette matière organique composée de molécules biochimiques est également plus ou moins complexe et représente environ 10 % de la matière organique d’un digestat. Ainsi, une partie de la matière organique de l’intrant est transformée en biogaz et la partie non dégradée reste dans le digestat. La biodégradabilité est très variable selon les intrants et va donc générer des productions de biogaz ainsi qu’un abattement de matière organique variables, ayant pour conséquence la variation en termes de concentration de matière organique dans le digestat produit.

La qualité de cette matière organique confère aux digestats leurs potentiels amendants (cf. devenir de la matière organique et effet amendant).

Devenir de la matière pendant la méthanisation. MO : Matière organique

Les transformations de la matière minérale

La matière minérale concernée est essentiellement celle contenue dans les nutriments (azote minéral, phosphates, potassium, soufre), les oligo-éléments et les métaux. Pendant la méthanisation, la matière minérale est conservée. Un exemple du devenir des éléments contenus dans un lisier issu de vaches laitières est illustré dans l’encart. Toutefois, certains nutriments comme l’azote, le phosphore ou le soufre contiennent une fraction organique et une fraction minérale. Pendant la méthanisation, lors de la transformation de la matière organique, ces fractions organiques peuvent être minéralisées selon la qualité et la biodégradabilité de la matière organique des constituants de l’intrant. Ainsi, l’azote organique (contenu dans les protéines) peut être minéralisé, jusqu’à un certain degré, en azote ammoniacal (NH4) et le phosphore organique en phosphates, espèces minérales que l’on va retrouver dans le digestat. Cela confère à ce dernier un potentiel fertilisant non négligeable étant donné que ces éléments minéraux sont a priori disponibles et assimilables par les plantes (cf. page effet fertilisant).

Les différents types de méthaniseur et conditions opératoires

Les méthaniseurs sont le siège de procédés biologiques pouvant présenter différentes configurations et conditions opératoires, susceptibles d’impacter les caractéristiques du digestat.

Le procédé de méthanisation peut être opéré :

  • avec une alimentation continue ou discontinue (silos, garages ou containers),
  • avec un réacteur parfaitement agité, un réacteur piston (la matière avance horizontalement) ou encore en mode “garage” sans agitation.

Le procédé le plus fréquent est de type réacteur parfaitement agité, avec alimentation en continu mais on trouve également souvent des méthaniseurs en configuration piston (mélangés avec avancement horizontal de la matière) ainsi que des méthaniseurs avec alimentation discontinue, en garage, sans mélange.

Pauline Doligez et Anne Wallrich, Equipédia, ifce, Méthanisation par voie liquide pour valoriser le fumier de cheval, 2021. Schéma du procédé de méthanisation en voie liquide, méthaniseur parfaitement mélangé en voie humide avec une alimentation continue, incorporation des intrants et extraction du digestat.
Méthaniseur parfaitement mélangé, en voie humide, alimentation continue, © Pauline Doligez et Anne Wallrich.
Schéma d’un procédé de méthanisation en voie sèche, alimentation continue, piston ©CRAN. Méthaniseur en flux piston horizontal en voie sèche avec une alimentation continue, incorporation des intrants et extraction du digestat
Schéma d’un procédé de méthanisation en voie sèche, alimentation continue, piston ©CRAN
Méthaniseur type garage, en voie sèche, avec une alimentation discontinue, avec un chargeur frontal, un fermenteur et un réservoir de liquide de percolation ©Sciences Eaux &Territoires N°12, 2013
Méthaniseur type garage, en voie sèche, alimentation discontinue © AAMF. ©Sciences Eaux &Territoires N°12, 2013

La méthanisation peut être réalisée :

  • en voie humide ou
  • en voie sèche.

Les méthaniseurs complètement mélangés sont généralement opérés en voie humide (teneur en matière sèche entre 5 et 15 %) et les méthaniseurs pistons, garage et avec alimentation discontinue sont généralement opérés en voie sèche (teneur en matière sèche entre 15 et 25 %). La voie humide ou sèche est associée au type d’intrants nécessitant une quantité d’eau de dilution importante afin d’alimenter le méthaniseur (selon leurs teneurs en matière sèche). Ainsi, les intrants que l’on retrouve surtout en voie sèche sont les fumiers bovins ou encore les fractions fermentescibles d’ordures ménagères.
En termes de conditions opératoires, en plus de la charge de matière organique entrante, la température et le temps de séjour sont les principaux paramètres variables.
La méthanisation est optimale en mésophilie (30 à 40°C). C’est dans cette plage de température que l’on retrouve le plus de méthaniseurs en opération. Toutefois, des méthaniseurs en thermophilie (45 à 60°C) existent et permettent souvent d’augmenter les cinétiques biologiques de dégradation de la matière organique.
Le temps de séjour correspond au temps de contact entre microorganismes présents dans le méthaniseur et matière organique des intrants. Il est calculé via le ratio entre volume utile du méthaniseur et volume journalier des intrants. Il dépend du type d’intrants et peut varier entre 15 et plus de 200 jours selon la configuration du méthaniseur. Ce paramètre va influencer la stabilité de la matière organique en sortie.

Les post-traitements

Des post-traitements peuvent également être utilisés avant utilisation ultérieure des digestats, tels que la séparation de phases, le stockage ou encore le compostage, procédés les plus appliqués. La séparation de phases peut-être nécessaire pour générer un produit amendant d’une part (la fraction solide) et un produit fertilisant d’autre part (la fraction liquide). Selon le type de procédé de séparation de phases utilisé, les taux de capture sont plus ou moins élevés. On considère deux grands types de séparateurs : ceux avec une efficacité faible à moyenne (i.e. presses-à-vis, majoritairement utilisées) et ceux avec une efficacité élevée (centrifugeuses). Les taux de capture associés aux différents éléments et déterminés par diverses études sont décrits dans le tableau suivant.

Taux de capture moyens des éléments

Taux de capture moyens. Adapté de Guilayn et al. (2019)
Aile asso, presse à vis digestat pour séparation de phases
Séparation de phase du digestat par presse-à-vis ©AILE
Valeur énergie, ABL - Quelles solutions pour le stockage de gros volumes de digestats, 2016. Stockage digestat équipé d'une poche souple de 6000 m3
Stockage digestat équipé d'une poche souple, © valeur énergie

Le stockage des digestats est utilisé par les exploitants afin de gérer leur utilisation en agriculture selon les périodes d’épandage. Il existe diverses configurations de stockage selon si l’on stocke des digestats liquides (lagunes, avec ou sans couverture) ou solides (bout de champ, en tas). Selon la modalité de stockage, le type de digestat et sa stabilité, le devenir des éléments contenus dans les digestats peut varier, notamment l’azote et plus particulièrement l’azote ammoniacal volatilisable (cf. risques de pertes par volatilisation) ou encore la matière organique avec une potentielle production de méthane (cf. risques d’émissions de gaz à effet de serre). Toutefois, la réglementation impose depuis 2021 une couverture des fosses de stockage. Quant au stockage des digestats solides, selon la durée et le mode de stockage, il s’approche d’un processus de compostage (Projet Concept-Dig, ADEME, 2019).

Le compostage des digestats (appliqué sur les phases solides) permet de stabiliser la matière organique mais aussi de l’hygiéniser par une montée en température significative. La perte de masse et de volume va permettre de réduire les coûts de transport et d’épandage. Les digestats solides compostés ont des teneurs en matière sèche plus élevées (> 30 %). La réaction de compostage induit une perte azotée (par volatilisation de l’azote ammoniacal et des réactions de nitrification), conférant au compost un potentiel plutôt amendant. Il permet également de respecter les principaux critères de la norme NF U 44051 (cf. réglementation).

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.