Les nitrates sont très mobiles dans le sol. Ils sont présents dans les engrais organiques et/ou produits dans le sol par réaction de nitrification à partir d’azote ammoniacal, lui-même provenant de la minéralisation de l’azote organique.

Les propriétés des produits résiduaires organiques comme les digestats, les conditions pédoclimatiques et les pratiques agricoles sont autant de facteurs qui peuvent jouer un rôle sur le risque de lixiviation de nitrates.

L’introduction de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) dans la rotation est une spécificité des systèmes de culture avec méthanisation qui peut induire une modification des flux de carbone et d’azote et avoir un impact sur la lixiviation des nitrates.

La lixiviation de nitrates est l’entraînement sous forme dissoute des ions NO3, par l’eau qui draine à travers le sol jusqu’aux nappes phréatiques et eaux de surface.

Pour aboutir à une situation à faibles risques de pertes, il faut avoir une faible quantité d’azote nitrique disponible dans le sol avant tout épisode de drainage.

Devenir de l’azote des digestats dans le sol.

Apports de digestats et potentiel de lixiviation

Le choix de la période d’apport est à déterminer en fonction des périodes de besoin en azote des cultures, des formes d’azote du produit à épandre et des possibilités techniques d’épandage. Tout apport excessif est susceptible d’être perdu par lixiviation pendant l’automne-hiver.

Besoin en azote des cultures et périodes à risque de lixiviation des nitrates vers les eaux

Les formes d’azote (ammoniacal et organique) et le C/N des digestats et tout produit organique sont les propriétés qui vont conditionner le potentiel de lixiviation de nitrates. Elles sont d’ailleurs prises en compte pour établir les calendriers d’épandage réglementaires (Directive Nitrates). La fertilisation à partir de produits à C/N élevé,  plutôt organiques, ou à C/N faible,  plutôt minéraux, est toujours  une source de nitrates. Son effet peut être limité par le choix des périodes d’épandage :

  • pendant la culture – produits à libération directe d’N (faible C/N, type lisiers) ;
  • bien avant l’implantation de la culture – produits à organisation puis libération d’N (fort C/N, type fumiers).

Les fractions solides des digestats comportent des fractions d’azote organique et de C/N plus élevées que les digestats bruts ou les fractions liquides. Les fractions solides sont donc des produits du type fumier, à apporter bien avant l’implantation de la culture : digestats fractions solides – majorité lisier/fumier de ruminants ou majorité lisiers non ruminants ou autres situations ou digestat brut voie sèche.

Les digestats bruts ou les fractions liquides sont des produits du type lisier à épandre pendant ou juste avant l’implantation de la culture : digestats bruts ou fractions liquides – majorité lisier/fumier de ruminants ou majorité lisiers non ruminants ou autres situations.

À pratique d’épandage similaire et à quantité d’azote efficace identique, les digestats présentent globalement un risque de lixiviation similaire aux fertilisants organiques classiques. Les points clés à maîtriser sont une bonne connaissance de leur composition, et la précision et la régularité de la dose apportée. Il reste que plus la part organique de l’azote est importante, plus sa minéralisation est soumise aux imprévus des aléas climatiques pendant la période d’ouverture du bilan et après.

Conditions pédo-climatiques et potentiel de lixiviation

Peu de leviers peuvent être utilisés pour modifier les conditions liées à la parcelle, mais il est important de connaître les risques éventuels pour adapter ses pratiques.

  • Caractéristiques du sol
    • Texture : dans les sols sableux, les risques de lixiviation de l’azote sont plus élevés que dans les sols à texture fine (argiles, limons) qui stockent davantage d’eau et allongent le temps de percolation des nitrates dans le profil du sol.
    • Perméabilité : plus le sol est drainant, plus les pertes se font par lixiviation.
    • Profondeur : la lixiviation est plus importante dans les sols peu profonds car les nitrates sont plus rapidement hors de portée des racines.
    • Matière organique : les sols riches en MO sont plus prédisposés à des pertes d’azote par lixiviation car la minéralisation de l’azote organique est plus intense.
    • pH : un sol à pH élevé est plus favorable à la minéralisation de l’azote sous forme de nitrates (nitrification) et présente donc un risque plus élevé de pertes de nitrates lorsque cette minéralisation se produit en période d’inter-culture.
    • azote nitrique (NO3) : plus le reliquat est élevé après la récolte des cultures, plus élevé sera le risque de pertes par lixiviation (surtout pour des récoltes proches du début de la période de drainage, comme le maïs en septembre/octobre).
  • Lame drainante

    Plus la lame drainante est forte, plus la quantité d’azote lixivié est importante. Une lame drainante supérieure à 500 mm peut entraîner la lixiviation de la totalité de l’azote présent dans le sol en début d’automne. Pour estimer de façon précise la lame drainante moyenne il faut faire un bilan hydrique. Sinon, on peut l’approximer en regardant le cumul de précipitations en automne-hiver (période de drainage).
    La lame drainante est plus élevée en sol nu que sous couvert.

  • Positionnement de la parcelle dans le versant

    Le risque de lixiviation de nitrates est plus élevé en bas de versant. Ceci explique la régulation de la fertilisation et du pâturage dans ces zones et l’importance de conserver certaines structures du paysage comme les bandes enherbées.

CIVE et potentiel de lixiviation

  • Réduction des pertes par lessivage : les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), comme les autres couverts végétaux, peuvent réduire les pertes d’azote par lessivage en absorbant l’azote minéral du sol, limitant ainsi sa lixiviation dans les eaux souterraines.
  • Effet de la date de destruction des couverts : la date de destruction des couverts végétaux est un facteur crucial. Des dates de destruction plus tardives dans le cas des CIVE par rapport aux CIPAN peuvent entraîner une plus grande différence dans les niveaux d’azote minéral disponibles pour la culture suivante, car la période d’absorption est plus longue et la croissance est plus rapide au printemps.
  • Réduction des risques en fonction des variétés : les couverts végétaux d’automne peuvent limiter efficacement la lixiviation des nitrates en réduisant l’azote minéral du sol et en diminuant le drainage. Les légumineuses et les non-légumineuses ont des degrés d’efficacité différents, avec une réduction moyenne de la lixiviation de 70 % pour les non-légumineuses et de 40 % pour les légumineuses.
  • Risques accrus liés à l’utilisation d’engrais : l’apport d’engrais peut augmenter les risques de lixiviation s’il est réalisé juste avant la période de drainage ou si des quantités excessives sont utilisées. Les calendriers d’interdiction d’épandage de la Directive Nitrates limitent les doses apportées aux CIVE et encadrent les épandages avant l’automne.

Bonnes pratiques pour réduire les pertes d’azote par lixiviation

  • Connaître son digestat, notamment les formes d’azote et le C/N : par le biais d’une analyse de laboratoire ou des fiches digestats.
  • Bien ajuster la dose à épandre en prenant en compte la teneur en azote du digestat et les fournitures par le sol. Tout apport excessif sera perdu par lixiviation.
  • Faire correspondre au mieux les doses et périodes d’apport aux périodes de croissance de la culture.
    • L’azote des digestats bruts et des fractions liquides étant particulièrement disponible à court terme pour les cultures, il sera utilisé aux périodes de forts besoins des cultures au même titre que les engrais minéraux ou les lisiers de porc : sur céréale d’hiver ou juste avant le semis du maïs. Ils peuvent être valorisés en deux apports sur céréales d’hiver, dont le premier en sortie d’hiver, ce qui correspond à la fois à un fort besoin des cultures et à des conditions fraîches et humides limitant la volatilisation d’ammoniac (cf. aussi Pertes d’azote par volatilisation).
    • Les fractions solides sont donc des produits du type fumier, à apporter bien avant l’implantation de la culture – février-mars pour le maïs – (surtout ceux à majorité de fumier/lisier de ruminants), de façon à éviter l’effet dépressif sur la culture et à anticiper la dynamique de libération de l’azote.
  • Éviter les épandages à l’automne, en particulier pour les céréales (surtout les digestat bruts et les fractions liquides), avant le début de la période de drainage
  • Favoriser les techniques d’épandage à faibles émissions d’ammoniac (enfouissement rapide et injection) pour optimiser la valorisation de l’azote par la culture et limiter indirectement le risque de pertes par lixiviation.
  • S’assurer de la bonne répartition des digestats sur les parcelles.
  • Laisser le moins de reliquats d’azote possible avant le début de la période de drainage, par exemple en implantant un couvert efficace avant le début du drainage (CIPAN ou CIVE) capable d’absorber aussi la minéralisation du sol au cours de l’automne.
  • Ne pas récolter tardivement la CIVE d’hiver et/ou revoir la gamme de précocité du maïs pour ne pas pénaliser le développement du maïs et diminuer les reliquats d’azote dans le sol à l’automne.
  • Ces bonnes pratiques sont d’autant plus importantes à respecter lorsque la parcelle est à risque (par ses caractéristiques du sol, sa position dans le versant et/ou à forte lame drainante). En zone vulnérable, il faudra respecter obligatoirement la Directive nitrates (cf.  Réglementation).
   Pour aller plus loin

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.