L’innocuité des digestats passe par l’analyse de plusieurs indicateurs de qualité : la qualité microbiologique  (présence de microorganismes pathogènes ou non) et la présence de contaminants chimiques organiques (résidus de pesticides ou d’antibiotiques…) ou inorganiques (éléments trace métalliques dits ETM).

Digestats versus intrants

> Micro-organismes

La qualité microbiologique des digestats est variable et dépend principalement de la contamination initiale des intrants et des paramètres de la méthanisation. Aucun paramètre de gestion de la méthanisation ne permet d’éliminer à 100 % tous les pathogènes ; aussi, il convient d’employer les bonnes pratiques d’hygiène à l’épandage, comme le prévoit la réglementation.

   Determinants de la qualité microbiologique des digestats et de la survie des micro-organismes

La qualité microbiologique du digestat dépend :

  • de la qualité des intrants : la concentration en microorganismes pathogènes dans le digestat dépend du niveau de contamination initial des intrants ;
  • des paramètres de la méthanisation : la température (mésophile vs thermophile) et le temps de séjour jouent un rôle dans la survie des bactéries végétatives et des virus. D’autres facteurs (systèmes batch ou semi-continu, concentration en ammoniac, en acides gras volatiles)  peuvent également influencer la survie des microorganismes, mais les phénomènes sont moins bien connus.

La survie des microorganismes au cours de la méthanisation diffère selon les microorganismes :

  • Les bactéries non sporulantes  sont plus sensibles à la méthanisation, et parmi elles, les bactéries les moins résistantes sont CampylobacterE. coli et Salmonella, avec des réductions de l’ordre de 2 log10 dans les méthaniseurs mésophiles. D’autres bactéries connues pour leur résistance (entérocoques, Listeria monocytogenes) sont peu affectées par la méthanisation mésophile.
  • Les bactéries ayant la capacité de sporuler, comme les clostridies, sont peu ou pas affectées par la digestion anaérobie, quelles que soient les conditions de température.
  • La plupart des virus animaux sont inactivés en moins de 24 heures en régime mésophile, mais certains virus sont capables de persister plusieurs semaines à 35°C, à l’exemple du parvovirus porcin.
  • L’effet de la méthanisation sur la survie des parasites est très peu étudié. Leur durée de survie est en général très longue dans l’environnement, aussi il n’est pas étonnant de retrouver des nématodes dans les digestats si les effluents bruts sont contaminés.
  • Le prétraitement thermique à 70°C pendant 1 heure permet d’éliminer les formes végétatives des bactéries et  de nombreux virus, mais Clostridium perfringens, Clostridioides difficile, ainsi que des entérocoques ont été retrouvés dans les digestats même après prétraitement thermique des intrants.

Dans l’étude française menée CloDia menée par INRAE, plusieurs bactéries pathogènes ont été recherchées et quantifiées (Campylobacter, L. monocytogenes, Salmonella, C. difficile et C. botulinum) dans les lisiers et les digestats de 3 sites de méthanisation mésophiles sur une année. Cette étude montre que : 

  • les concentrations en pathogènes retrouvées dans les digestats sont faibles,
  • la fréquence de détection de Campylobacter est systématiquement moindre dans les digestats que dans les lisiers.

Effet du stockage et des post-traitements

Pour répondre à la question Les digestats épandus sur les sols sont-ils de meilleure ou de moins bonne qualité que les effluents bruts ?,  il  est nécessaire de prendre en compte l’effet du stockage ou des post-traitements car les digestats sont rarement épandus bruts. Dans le projet PathoGaz mené sur 3 sites de méthanisation mésophile, il a été montré que le post-traitement, quelle que soit sa nature (post-digestion, stockage après séparation de phases), améliore la qualité sanitaire du digestat issu du digesteur primaire, sans éliminer totalement le risque de dissémination des bactéries pathogènes, notamment les bactéries sporulantes.

Méthanisation et paratuberculose bovine : existe-t-il un risque ?

Mycobacterium avium subsp. paratubercuosis (MAP), l’agent responsable de la paratuberculose chez les ruminants, est également une bactérie sporulante très résistante dans l’environnement. Plusieurs études ont montré que la méthanisation mésophile en infiniment mélangé ne permet pas de détruire totalement les MAP, alors qu’en thermophile il a été montré qu’on ne détectait plus la bactérie au bout de 24 heures. A échelle réelle en mésophile, les réductions sont variables suivant les études. Lorsque l’on retrouve des traces d’ADN de MAP dans le digestat, on ne sait pas toujours si le pathogène est encore viable et capable de contaminer une pâture. Existerait-il alors un risque qu’un troupeau se contamine au pâturage ? La maladie se transmettant principalement de la mère au veau, des jeunes bovins, plus sensibles, pourraient être contaminés au pâturage. Par précaution et en l’absence de données complémentaires, il est recommandé :
  • de faire un état des lieux de la présence/absence de la maladie dans les élevages qui participent au projet, 
  • de ne pas envoyer du fumier contaminé vers un méthaniseur collectif.  
Si du lisier/fumier contaminé a été introduit, il est déconseillé d’épandre le digestat sur des prairies (notamment celles pâturées par des jeunes bovins).
Des études complémentaires sont menées actuellement pour mieux connaître les risques.

Méthanisation et botulisme

En Allemagne, des études sur la question des Clostridium botulinum montrent que : 
  • la population de Clostridium botulinum dans le substrat entrant (lisier bovin) est largement plus importante que dans le digestat,
  • aucun clostridium pathogène n’a été retrouvé dans le digestat des 15 unités de méthanisation (avec du lisier bovin notamment) analysées (105 analyses au total). 
   Pour aller plus loin

Références

Bagge, E., Sahlström, L., & Albihn, A. (2005). The effect of hygienic treatment on the microbial flora of biowaste at biogas plants. Water Research39(20), 4879-4886.

Bøtner, A., & Belsham, G. J. (2012). Virus survival in slurry: analysis of the stability of foot-and-mouth disease, classical swine fever, bovine viral diarrhoea and swine influenza viruses. Veterinary microbiology157(1-2), 41-49.

Fröschle, B., Heiermann, M., Lebuhn, M., Messelhäusser, U., Plöchl, M. (2015). Hygiene and Sanitation in Biogas Plants. In: Guebitz, G., Bauer, A., Bochmann, G., Gronauer, A., Weiss, S. (eds) Biogas Science and Technology. Advances in Biochemical Engineering/Biotechnology, vol 151. Springer, Cham. 

Jiang, Y., Xie, S. H., Dennehy, C., Lawlor, P. G., Hu, Z. H., Wu, G. X., … & Gardiner, G. E. (2020). Inactivation of pathogens in anaerobic digestion systems for converting biowastes to bioenergy: a review. Renewable and Sustainable Energy Reviews120, 109654.

Olsen, J. E., Jørgensen, J. B., & Nansen, P. (1985). On the reduction of Mycobacterium paratuberculosis in bovine slurry subjected to batch mesophilic or thermophilic anaerobic digestion. Agricultural Wastes13(4), 273-280.

Orzi, V., Scaglia, B., Lonati, S., Riva, C., Boccasile, G., Alborali, G. L., & Adani, F. (2015). The role of biological processes in reducing both odor impact and pathogen content during mesophilic anaerobic digestion. Science of the Total Environment526, 116-126.

Pourcher, A. M., Druilhe, C., Le Maréchal, C., Repérant, E., Boscher, E., Ziebal, C., … & Denis, M. (2023). Quantification of indicator and pathogenic bacteria in manures and digestates from three agricultural biogas plants over a one-year period. Waste Management169, 91-100.

Sahlström, L. (2003). A review of survival of pathogenic bacteria in organic waste used in biogas plants, Bioresource Technology, 87(2), pp 161-166 

Projet Clodia (ADEME, 2020) Devenir des Clostridium et de bactéries pathogènes non sporulantes au cours de la digestion anaérobie mésophile des effluents d’élevage

> Contaminants organiques

Les digestats présentent des concentrations dans les mêmes ordres de grandeur que les intrants, mais aussi que dans les composts, des concentrations dites trace de l’ordre du mg-µg/kg de matière sèche.

La qualité des digestats est fonction de la qualité des intrants et du devenir des contaminants au cours de la digestion.

   Contaminants par type d'intrant
  • Les boues issues de l’épuration des eaux usées contiennent une grande diversité de molécules en lien avec les usages/activités anthropiques, avec des concentrations trace variant du µg/kg jusqu’au g/kg de matière sèche. On peut citer les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les polychlorobiphényles (PCB), les polychlorodibenzo-p-dioxines/furanes (PCDD/F), les substances per et polyfluoroalkylées (PFAS), les surfactants, les solvants, les médicaments, les produits de soins personnels, les pesticides, les retardateurs de flamme, les hormones, les plastifiants, les micro et nano-plastiques.
  • Les effluents d’élevage contiennent essentiellement des résidus de médicaments, des hormones et des biocides, dans des gammes allant du µg au mg/kg de matière sèche.
  • Les biodéchets (déchets verts issus de restauration et de marchés) ou les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) sont moins bien caractérisés mais contiennent des pesticides, des hydrocarbures, des plastifiants et des microplastiques. Ces intrants sont toutefois peu ou pas contaminés, notamment en PFAS et médicaments.

Lors de la transformation de la matière organique par digestion, ces contaminants peuvent :

  • être dégradés, souvent partiellement et former des produits de transformation, qui ne sont souvent pas caractérisés,
  • former des résidus liés à la matière digérée,
  • rester tels quels.

Certains composés sont assez bien éliminés lors de la digestion anaérobie. C’est le cas pour : naproxène, aténolol, loratidine, miconazole, tramadol, dompéridone, azithromycine, triméthoprime, tylosine et certains sulfamides. Cependant, les agents antibactériens comme le triclocarban et le triclosan sont mal éliminés. C’est également le cas des composés persistants tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les polychlorobiphényles (PCB), et le DiEthylHexylPhtalate (plastifiant), pour lesquels le taux d’élimination est généralement inférieur à 30 %.

Méthanisation et résidus d’antibiotiques et phénomènes d’antibiorésistance

Une revue systématique de la littérature porte sur les solutions (la restriction de l’usage des antibiotiques, les traitements des eaux usées et des déchets organiques, la gestion des milieux naturels) pour contrôler la dissémination de l’antibiorésistance dans l’environnement. Sur les effets de la méthanisation et du compostage sur l’antibiorésistance, les résultats montrent que le compostage réduit de manière significative l’abondance relative des gènes de résistance (élimination de 84 %, 63 % à 93 % dans 27 études), à mettre en lien avec un effet température, alors que l’efficacité de la digestion anaérobie est inférieure (51 %, -2 % à 77 % dans 28 études) avec une plus grande hétérogénéité dans la réduction de l’abondance relative des gènes de résistance. L’épandage ou le pâturage apportent ainsi des gènes et des bactéries porteuses de ces gènes sur les parcelles, leurs persistances sont alors fonction de la réponse des communautés microbiennes du sol et des caractéristiques physicochimiques du sol contrôlant la survie.
   Pour aller plus loin

Références

Brändli, R. C., Bucheli, T. D., Kupper, T., Mayer, J., Stadelmann, F. X., & Tarradellas, J. (2007). Fate of PCBs, PAHs and their source characteristic ratios during composting and digestion of source-separated organic waste in full-scale plants. Environmental Pollution148(2), 520-528.

El-Hadj, T. B., Dosta, J., Torres, R., & Mata-Alvarez, J. (2007). PCB and AOX removal in mesophilic and thermophilic sewage sludge digestion. Biochemical Engineering Journal36(3), 281-287.

Ghattas, A. K., Fischer, F., Wick, A., & Ternes, T. A. (2017). Anaerobic biodegradation of (emerging) organic contaminants in the aquatic environment. Water research116, 268-295.

Goulas, A., Sabourin, L., Asghar, F., Haudin, C. S., Benoit, P., & Topp, E. (2018). Explaining the accelerated degradation of ciprofloxacin, sulfamethazine, and erythromycin in different soil exposure scenarios by their aqueous extractability. Environmental Science and Pollution Research25, 16236-16245.

Goulas, A., Belhadi, D., Descamps, A., Andremont, A., Benoit, P., Courtois, S., … & Laouénan, C. (2020). How effective are strategies to control the dissemination of antibiotic resistance in the environment? A systematic review. Environmental Evidence9(1), 1-32.

Munoz, G., Mercier, L., Duy, S. V., Liu, J., Sauvé, S., & Houde, M. (2022). Bioaccumulation and trophic magnification of emerging and legacy per-and polyfluoroalkyl substances (PFAS) in a St. Lawrence River food web. Environmental Pollution309, 119739.

Patureau, D., Mailler, R., Delgenes, N., Danel, A., Vulliet, E., Deshayes, S., … & Gasperi, J. (2021). Fate of emerging and priority micropollutants during the sewage sludge treatment–Part 2: Mass balances of organic contaminants on sludge treatments are challenging. Waste Management125, 122-131.

Wang, Y., & Liang, W. (2021). Occurrence, toxicity, and removal methods of triclosan: A timely review. Current Pollution Reports7, 31-39.

Weithmann, N., Möller, J. N., Löder, M. G., Piehl, S., Laforsch, C., & Freitag, R. (2018). Organic fertilizer as a vehicle for the entry of microplastic into the environment. Science advances4(4), eaap8060.

Yan, Z. R., Meng, H. S., Yang, X. Y., Zhu, Y. Y., Li, X. Y., Xu, J., & Sheng, G. P. (2019). Insights into the interactions between triclosan (TCS) and extracellular polymeric substance (EPS) of activated sludge. Journal of environmental management232, 219-225.

Valorisation des matières fertilisantes d’origine résiduaire sur les sols à usage agricole ou forestier. Impacts agronomiques, environnementaux, socio-économiques. Rapport d’expertise scientifique collective Inra-CNRS-Irstea (2014)

Sites expérimentaux SOERE PRO

> Métaux

Les métaux sont conservés pendant la méthanisation, comme pour tout procédé, les éléments traces métalliques (ETM) étant des éléments minéraux non dégradables. Il en résulte que la concentration en ETM dépend des intrants entrant dans la composition du digestat et de leur proportion.

   Métaux par type d'intrant

Les éléments en traces métalliques (ETM) se répartissent en 3 catégories :

  • les oligo-éléments pour les plantes, pouvant devenir (phyto)toxiques à fortes concentrations, avec par exemple le cuivre (Cu), le zinc (Zn), le manganèse (Mn) ;
  • les contaminants strictement toxiques ou potentiellement toxiques, avec par exemple le cadmium (Cd) et le plomb (Pb) ;
  • les non essentiels au métabolisme végétal, mais potentiellement « bénéfiques », notamment pour les animaux, comme le nickel (Ni).

Comme pour les contaminants organiques, l’origine des intrants influence les concentrations en ETM des produits épandus sur les sols agricoles : 

  • Globalement, les intrants d’origine urbaine présentent des concentrations en ETM supérieures à celles des intrants d’origine agricole ;
  • Les ordures ménagères résiduelles et les boues urbaines sont les plus riches des intrants d’origine urbaine en Al, Cd, Cr, Pb, Cu, Fe, Ni, Zn, Pb ;
  • Les biodéchets sont les intrants urbains les plus pauvres en ETM, un digestat de biodéchet pouvant même présenter des concentrations parmi les plus faibles pouvant être analysées, toutes origines confondues ;
  • Les effluents d’élevage, surtout le lisier porc, les fientes et le compost de fumier porc sont les intrants d’origine agricole les plus riches en Zn, Cu et Mn.

Les sols amendés par des produits organiques comme des digestats peuvent présenter une augmentation significative des concentrations en ETM, avec une augmentation visible et significative au-delà de 10 ans d’apport globalement pour des concentrations totales, qui suit la même « logique » que les ETM trouvés dans les produits épandus :

  • Augmentation dans les sols recevant des produits à base d’intrants de type boue urbaine et ordures ménagères, pour B, Cd, Cu, Mo, Zn, voire Ag et Hg pour certains cas ;
  • Augmentation dans les sols recevant des produits à base d’intrants de type lisier de porcs pour Zn.

Les valeurs observées pour tous les éléments en trace métalliques étudiés sont inférieures ou dans la gamme des concentrations mesurées sur les sols agricoles de métropole, même après vingt ans d’apports à de fortes doses de produits résiduaires organiques.

Il est à noter que les concentrations dans les produits épandus sont soumis à des réglementations (ex. NFU 44-051, NFU 44-095, Cahier des charges CDC DIG). Les procédés de traitement peuvent parfois concentrer les ETM et engendrer une limitation des quantités de digestat à épandre pour respecter les flux réglementaires imposés (cf. Réglementation).

Risques de transfert et/ou accumulation

> Risques de transfert – Micro-organismes

La majorité des données de la littérature concernent quelques bactéries et leur temps de survie dans le sol après épandage. Après épandage, la survie est variable selon :

  • l’espèce : temps de survie long pour les bactéries sporulantes (Clostridium, MAP…) ; moyen pour Listeria monocytogenes, entérocoques ; et court pour E. coli non pathogènes, Salmonella enterica et Campylobacter jejuni ;
  • la nature du sol (% d’argile, teneur en eau, pH, teneur en matière organique) ;
  • la température ;
  • la diversité microbiologique du sol (plus les communautés sont complexes, plus elles sont résistantes face à l’invasion de bactéries exogènes) ;
  • les caractéristiques géographiques de la parcelle (profondeur de sol, pente, présence de haies, couverture du sol…) qui influencent le risque d’érosion, et donc de transfert des contaminants vers les eaux de surface et souterraines.

Enfin, les risques de contamination des animaux d’élevage ou des humains par du digestat n’a quasiment pas été étudié, mais ce risque doit être pris en compte par les exploitants de méthaniseurs dans le cadre de leur agrément sanitaire au titre du règlement européen 1069/2009 sur les sous-produits animaux (voir l’encart sur les maladies).

> Risques de transfert – Contaminants organiques

  • Pour les composés persistants (hydrocarbures aromatiques polycycliques HAP, polychlorobiphényles PCB…), les études au champ n’ont jusqu’à présent montré aucune accumulation dans les sols.
  • Ces mêmes études montrent une faible fréquence de quantification dans les eaux et à des concentrations faibles.
  • Ces études montrent aussi des transferts vers les plantes (et donc la chaîne alimentaire) qui restent très faibles.
   Ce qui montrent les travaux de recherche

Sur la base des données de concentration et des données d’épandage, des flux apportés au sol peuvent être évalués, et comparés aux concentrations du sol ou à d’autres flux (atmosphérique, autre apport). Les données de la littérature sont peu nombreuses sur ce type d’évaluation pour des digestats. Elles montrent que pour les contaminants persistants tels que hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les polychlorobiphényles (PCB), les polychlorodibenzo-p-dioxines/furanes (PCDD/F), les flux apportés par les produits résiduaires organiques (essentiellement boues urbaines) restent très inférieurs aux stocks du sol (contaminants ubiquistes, vieille contamination historique). Pour ceux-là, aucune accumulation n’est observée sur des parcelles épandues depuis 20 ans. Pour d’autres persistants comme les polybromodiphényléthers (PBDE) ou perfluorocarbures (PFC), plus récemment introduits dans notre environnement, les apports par les produits résiduaires organiques (boue essentiellement) restent visibles, avec des augmentations potentielles des stocks du sol.

Pour les contaminants à usage industriel et domestique important (détergent, plastifiant) présents à de fortes teneurs dans les produits résiduaires organiques d’origine urbaine (boue, compost/digestat de déchet vert, biodéchet et ordures ménagères résiduelles), les apports via les produits résiduaires organiques sont souvent visibles au regard des teneurs dans les sols avec de potentielles augmentations des stocks du sol, mais les études au champ n’ont jusqu’à présent montré aucune accumulation du fait de leur forte élimination observée dans les sols.

Pour les composés pharmaceutiques, les produits de soin et les biocides, les apports au sol se font majoritairement via les boues urbaines et les effluents d’élevage (épandage, pâturage), digérés ou non. Les flux peuvent être importants mais les concentrations mesurées dans les sols restent toujours très inférieures aux concentrations attendues du fait de la dissipation de ces molécules ; l’accumulation est donc faible et les transferts vers les eaux sont eux aussi très faibles.

En termes de transfert vers les plantes, les études montrent des transferts qui restent très faibles. Les données de travaux où des épandages ont été faits selon le cadre réglementaire ne montrent pas d’accumulation sur le long terme dans les sols, de très faibles transferts vers les eaux ou les plantes.

> Risques de transfert – Métaux

Aucune contamination en éléments traces métalliques (ETM) des végétaux consommés n’a été observée en cas d’apports de produits respectant les règlementations à des doses agronomiques usuelles.

Le respect des flux annuels et décennaux de contaminants cumulables dans les sols restent à vérifier. Les seuils sont en cours de mise à jour dans le cadre du projet de décret relatif aux critères de qualité agronomique et d’innocuité des matières fertilisantes et des supports de culture (socle commun).

   Ce que montrent les travaux de recherche

Les plantes cultivées sur des sols amendés par des produits à base d’intrants organiques urbains et agricoles (digérés ou non) présentent des teneurs en ETM toxiques (Cd, Hg, Pb et As) inférieures aux limites de dosage des machines et a minima aux valeurs réglementaires/usuelles.

Les concentrations en Cu, Fe et Zn considérés oligo-éléments des plantes, sont dans la gamme des valeurs usuelles. Il en résulte que l’apport de matières à base d’intrants organiques n’engendre pas de contamination des grains pour Cd, Hg, Pb et As (présentant la majorité des attentions internationales), avec un maintien global des teneurs en oligo-éléments considérés eux-mêmes oligo-éléments pour les humains et importants au regard de la nutrition humaine comme Zn et Fe.

Les travaux ont aussi montré que même après plus de 15 ans d’apports aux sols, il n’y a pas d’effet négatif sur les microorganismes du sol. L’apport de produits organiques sous forme de matière organique mature compostée et présentant des pH alcalins est également associée à la diminution des fractions disponibles à la lixiviation dans les eaux et au prélèvement pour Cd, Zn et Ni.

   Pour aller plus loin

Michaud, A.M., Sappin-Didier, V., Cambier, P., Nguyen, C., Janot, N., Montenach, D., Filipovic, L., Deltreil, V., Houot, S. (2021). Phytoavailability of Cd, Cr, Cu, Hg, Mn, Mo, Ni, Pb, Tl and Zn in arable crop systems amended for 13 to 15 years with organic waste products, Agronomy 2021, 11, 664.

Michaud, A.M., Cambier, P., Mercier, V., Rampon, J.N., Sappin-Didier, V., Deltreil, V., Houot, S. (2020). Mass balance and long-term soil accumulation of trace elements in arable crop systems amended with urban composts or cattle manure during 17 years of a long-term field experiment, Environmental Science and Pollution Research 27, 5367–5386.

Cambier, P., Michaud, A., Mercier, V., Germain, M., Paradelo, R., Bodineau, G., Lebourg, A., Revallier, A., Houot, S. (2019). Trace metal availability in soils of a long-term field experiment amended with various urban waste composts during 17 years – monitoring and modelling, Science of the total environment, 651, 2961-2974.

Michaud, A., Resseguier, C., Montenach, D., Morvan, T., Detaille, C., Feder, F., Houot, S. (2022). Eléments en traces métalliques et apports de Produits Résiduaires Organiques épandus en grande culture en contexte péri-urbain : Synthèse des résultats de l’observatoire SOERE PRO, Journée thématique COMIFER Oligo-éléments et contaminants métalliques en agriculture.

Michaud, A., Houot, S. (2020, 2021). Evaluation des risques – Résultats issus de l’Observatoire de recherche en environnement INRAE SOERE PRO, oral, webinaire l’Astee Hauts-de-France « Comment anticiper les évolutions réglementaires sur la valorisation des boues de STEP et l’impact des crises sanitaires ».

Michaud, A. (2022). Évaluer l’effet des PRO sur les teneurs en éléments traces métalliques, La France Agricole 3962 – 24 juin 2022

Points de vigilance et préconisations

L’innocuité des digestats dépend des intrants méthanisés et des concentrations de ceux-ci en contaminants microbiologiques, organiques et métalliques. Ainsi, les préconisations sont similaires à celles pour les autres produits résiduaires organiques. Il faut être toutefois vigilant au mélange d’intrants. Des bonnes pratiques de manipulation et d’épandage des digestats existent et permettent de gérer le risque sanitaire : 

  • suivre la qualité des effluents bruts et l’état sanitaire des élevages apporteurs par un accompagnement vétérinaire ;
  • prévenir les risques de contamination sur le site par des nettoyages et un plan de circulation adapté ;
  • prévenir les risques de contamination au pâturage en respectant les délais avant retour des animaux et en privilégiant l’enfouissement du digestat ;
  • suivre et contrôler la qualité du digestat – la réglementation applicable prévoit la réalisation d’analyses des digestats avant épandage et l’analyse des sols. Dans le cas de dépassement des seuils pour un polluant, le digestat ne peut être épandu (cf. Réglementation) ;
  • enfouir le digestat à l’épandage pour limiter les émissions vers l’air (aérosols) et améliorer l’efficacité de l’action fertilisante azotée (cf. Pertes N par volatilisation).

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.