Le stockage et l’épandage du digestat sont les étapes les plus émettrices de GES
Les étapes de stockage et d’épandage du digestat sont particulièrement importantes en termes de risques d’émissions de gaz à effet de serre.

Des risques d’émissions de GES plus élevés au stockage et à l’épandage des digestats

Comme tout traitement et retour au sol de la matière organique (compostage, épandage…), la filière méthanisation a un impact sur le changement climatique qui s’exprime par la quantification de gaz à effet de serre (GES) émis tout au long du traitement, du stockage jusqu’à la valorisation du biogaz et du digestat, que les émissions soient directes ou indirectes.

Plusieurs gaz concernant la méthanisation sont des gaz à effet de serre (GES) : le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), le dioxyde de carbone (CO2) biogénique. L’ammoniac (NH3) n’est pas un GES mais un précurseur de protoxyde d’azote.

Schéma des émissions de GES
Production de GES, risques d'émissions directes et indirectes lors des différentes étapes de la méthanisation jusqu'à l'épandage des digestats

Les études récentes sur les émissions et impacts environnementaux

DIGES : un outil d’évaluation de la quantité de GES pour une unité de méthanisation

DIGES est un outil d’évaluation des gaz à effet de serre (GES) d’un projet de méthanisation. Il est adapté pour les installations de digestion et co-digestion anaérobie, agricoles ou non, en cogénération et/ou injection.
Cet outil a fait l’objet d’une refonte complète pour tenir compte des derniers résultats scientifiques, des retours d’expérience, et du besoin d’indicateurs complémentaires.

Le facteur d’émission du biométhane cinq fois inférieur à celui du gaz fossile

Le facteur d’émission du biométhane retenu dans la base Carbone de l’ADEME (https://base-empreinte.ademe.fr/) s’élève à 44 geqCO2/kWhPCI, représentant le mix biométhane moyen en France (installations de stockage de déchets non dangereux – ISDND, stations d’épuration urbaines, unités de méthanisation à la ferme et territoriales). Ce facteur d’émission moyen est à comparer aux 244 geqCO2/kWhPCI du gaz fossile.
L’étude d’analyse du cycle de vie (ACV) à l’origine de cette valeur prend en compte l’ensemble des émissions directes et indirectes liées aux consommations d’énergie fossile ou fissile (production des cultures, transport, construction et entretien des installations, fuite de méthane, etc.) pour la production de biométhane.

L’analyse du cycle de vie du biométhane issu de ressources agricoles
Une autre étude d’ampleur a été réalisée par INRAE en 2021 sur l’analyse environnementale de la production de biométhane issu de résidus agricoles. Dans les cas étudiés, la mise en œuvre d’une unité de méthanisation sur une exploitation agricole, qu’elle soit orientée en système « Élevage » ou « Culture », présente des impacts environnementaux majoritairement bénéfiques ou neutres par rapport à une situation de référence sans méthaniseur.

Émissions directes au stockage et à l’épandage

Les émissions au stockage peuvent atteindre 10 %

Les émissions lors du stockage des digestats dépendent du type d’intrants, du temps de séjour de la matière en digestion et de la température au stockage.
Les gaz émis lors du stockage des digestats sont le CH4 (potentiel de méthane résiduel), le NH3 et le N2O. Ce dernier, le protoxyde d’azote, est émis de façon directe lors du stockage et également de façon indirecte lors de la redéposition de l’ammoniac (NH3) émis lors du stockage. Le NH3 n’est pas un GES mais un précurseur de particules fines qui impacte la qualité de l’air.
Peu de données bibliographiques, notamment françaises, existent à ce jour sur la quantification des émissions de GES durant le stockage des digestats. Les données utilisées aujourd’hui par la filière sont basées sur les données européennes et allemandes, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la réglementation RED II. Ainsi, selon des données de relevés allemands, les émissions de méthane lors du stockage du digestat, exprimées en pourcentage du potentiel méthanogène initial, varient de 1,4 % à 3,7 % (https://www.fnr.de/fileadmin/Projekte/2021/Mediathek/finalweb-leitfadenbiogas-fr-20130503.pdf). Selon d’autres sources (https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC104759), les émissions varient selon le type d’intrants, de 2,2 % pour du digestat issu de cultures à 10 % pour du digestat issu de déjections animales, en passant par 2,5 % pour du digestat issu de biodéchets.

Les émissions à l’épandage dépendent fortement de l’équipement utilisé

Les gaz émis lors de l’épandage des digestats, comme tout épandage de produits résiduaires organiques (effluents d’élevage, compost, boues, etc.) sont le N2O, le NH3 et le CO2 biogénique. A noter que l’épandage des fertilisants de synthèse azotés émet également du N2O et du NH3. Les émissions de N2O sont des émissions directes mais également des émissions indirectes liées à la redéposition du NH3.
Le GIEC fournit des modèles d’émission de GES qui font référence (IPCC 2006 et IPCC 2019), exprimée en % d’azote total du digestat :
– 0,6 % de l’azote est émis directement sous forme de N2O (à noter que pour les fertilisants de synthèse, ce taux est plus élevé, égal à 1 %).
– 30 % de l’azote est lessivé sous forme de nitrate (NO3), dont 0,75 % est émis indirectement sous forme de N2O.
– Les émissions directes de NH3 représentent 20 % de l’azote, et sur ces 20 %, 1 % est émis in fine indirectement sous forme de N2O. Toutefois, les émissions de NH3 dépendent du type de matériel agricole utilisé (cf. Risques de pertes d’azote par volatilisation) : un abattement de 50 % est appliqué pour un épandage par pendillard et de 90 % par incorporation par charrue immédiatement après l’épandage.

Réduire les émissions directes au stockage et à l’épandage

Bonnes pratiques pour limiter les émissions de GES au stockage du digestat

  • Dimensionner les ouvrages de digestion et post-digestion (ouvrages chauffés brassés) de façon à permettre un temps de séjour suffisant pour atteindre la dégradation maximale de la matière organique. Ce temps de séjour en digestion dépend des intrants : de l’ordre de 21 jours pour des boues urbaines à plus de 100 jours pour des intrants de type fumier ou résidus de cultures.
  • Couvrir les ouvrages de stockage du digestat avec une couverture étanche aux gaz, et récupérer le biogaz résiduel, qui peut être valorisé.
  • Pour limiter les émissions de N2O et de NH3, mettre en place une croûte, couche flottante naturelle, ou une couverture non étanche (conformément aux règles ICPE 2021, les couvertures ne sont pas obligatoires dans le cas des lagunes si l’on justifie d’un temps de séjour de 80 jours de digestion en amont).

Bonnes pratiques pour limiter les émissions de GES à l’épandage du digestat

  • Apporter la bonne dose d’azote, en fonction du besoin des plantes, pour limiter le lessivage ;
  • Utiliser a minima un pendillard, l’enfouissement immédiat étant à privilégier pour limiter les émissions de NH3 vers l’atmosphère.

A savoir : le Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) des gaz

Chaque gaz a un pouvoir radiatif différent qui va générer un effet plus ou moins grand sur l’effet de serre. Ce pouvoir radiatif, nommé « Pouvoir de Réchauffement Global » (PRG), dépend de l’horizon temporel considéré. Le standard international pour mesurer le PRG se réalise en convertissant les GES en équivalent CO2 (dioxyde de carbone) sur un horizon temporel de 100 ans (« PRG 100 »).

1

C’est le Pouvoir de Réchauffement Global « PRG 100 » du CO2 (dioxyde de carbone)

25

C’est le Pouvoir de Réchauffement Global « PRG 100 » du CH4 (méthane)

298

C’est le Pouvoir de Réchauffement Global « PRG 100 » du N2O (protoxyde d’azote)

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.