Les nématodes sont des bio-indicateurs de l’état biologique des sols. Leur communauté, appelée nématofaune, peut être utilisée pour évaluer l’effet des systèmes de culture et d’apport de matières organiques, comme des digestats, sur le fonctionnement biologique du sol. Comme pour toutes les matières organiques, l’effet de l’apport de digestat de méthanisation dépend de sa composition (notamment de sa teneur en azote et carbone organique) mais aussi des doses apportées, de la fréquence et de l’historique des apports.

Avec plus de 20 000 espèces répertoriées, ces organismes peuvent représenter jusqu’à 5 millions d’organismes par m². Leur communauté, appelée nématofaune, renseigne sur la qualité de leur environnement, leur conférant un statut de bioindicateur. Leurs études renseignent sur le niveau d’activité biologique, les flux de nutriments, les voies de décomposition, le niveau de perturbation du milieu, la diversité des organismes et le risque de dégât sur la culture par les nématodes phytophages.

Effet de l’apport de digestat de méthanisation sur les communautés de nématodes

Dans le cadre de plusieurs projets (Metha-BioSol, Digé’O, PROTERR…) cet indicateur a été mesuré pour étudier l’effet de l’apport de digestat de méthanisation sur le fonctionnement biologique des sols en comparaison d’un apport de fertilisant minéral ou organique (lisier ou fumier).

Il ressort de ces résultats (plus de 300 échantillons de terre analysés) que la réponse des communautés de nématodes dépend du type de digestat mais aussi du type de sol.

Les digestats liquides ont un effet similaire à un apport de fertilisant minéral (caractéristiques des digestats liquides étudiés : C/N entre 0,8 et 6,3, Ntot entre 3,1 et 7,7 kg.m-3, teneur en MS < 50 %). Pour un apport annuel, que ce soit à court terme (< 3 ans) ou long terme (> 10 ans), la plupart des digestats liquides présentent un effet proche d’un apport de fertilisant minéral ou de lisier de porc à dose d’azote équivalente. Ils stimulent très légèrement l’activité biologique des sols et notamment l’activité des nématodes bactérivores. Ces effets positifs sont plus marqués dans les sols argilo-limoneux que dans les sols sableux ou limoneux.

Certains digestats liquides peuvent avoir des effets négatifs : les digestats liquides à faible ratio C/N (C/N < 4) et forte teneur en azote ammoniacal (N ammoniacal > 2 kg.m-3) tendent à réduire la diversité des nématodes du sol. Cette tendance touche autant la diversité taxonomique (nombre d’espèces de nématodes observées) que la diversité fonctionnelle (différents types de nématodes impliqués dans les différentes fonctions du sol). Ces effets négatifs sont plus marqués dans des sols sableux que dans des sols argileux et limono-argileux.

⇒ De manière générale, les digestats liquides ne représentent pas une ressource pour les organismes du sol. En revanche, leurs fortes teneurs en ammoniac en font une ressource pour les plantes. Ils ont un effet fertilisant (cf. Effet fertilisant des digestats).

Les digestats solides ont un effet proche d’un apport de fumier (caractéristiques des digestats solides étudiés : C/N > 19 -22,5, Norg entre 2,8 et 3,5 kg.m-3). Seuls des apports à court terme ont été étudiés à ce jour pour ce type de digestats (moins de 3 ans d’apports consécutifs). Les apports de digestats solides augmentent l’activité biologique du sol et l’abondance des nématodes bactérivores de façon plus importante qu’un apport d’azote minéral et de façon équivalente à l’augmentation générée par un apport de fumier de bovin. Ces résultats illustrent une augmentation de la fertilité biologique du sol. En revanche, il n’a pas été mis en avant d’effet positif des apports de ces digestats sur l’abondance des nématodes prédateurs, indicateurs de milieux stables permettant aux organismes les plus sensibles de se développer dans les sols.

⇒ De manière générale, les digestats solides représentent une ressource pour les organismes du sol, ils stimulent plus spécifiquement la voie de décomposition bactérienne de la matière organique. Ils ont un effet amendant (cf. Effet amendant des digestats).

Effets observés des apports de digestats sur les communautés de nématodes du sol

Les digestats liquides stimulent peu l’activité biologique des sols mais ont un effet fertilisant. Riches en azote minéral et pauvres en carbone organique, ils jouent le rôle d’un engrais sur les cultures. Les digestats solides ont un effet amendant : avec des teneurs en carbone et azote organique importantes, ils représentent une ressource pour les organismes du sol, dont l’activité de minéralisation générera des nutriments pour les cultures en place. Les deux types de digestats (liquide et solide) favorisent la décomposition bactérienne dans les sols, comme l’indique une augmentation des nématodes bactérivores.

L’apport de carbone, facteur déterminant de l’effet des apports de digestats sur les nématodes microbivores du sol

Dans ces études, plus les quantités de carbone apportées par les digestats sont importantes, plus l’abondance de nématodes bactérivores présents dans les sols augmente, et ce quel que soit le type de sol considéré. Cette relation est vérifiée pour la plupart des types de matières organiques apportées au champ : pour nourrir les organismes du sol, il faut apporter du carbone proportionnellement aux apports d’azote. Ainsi les digestats de méthanisation solides peuvent représenter un apport de carbone et d’azote important et disponible pour les organismes du sol, là où les digestats liquides représentent des apports de carbone limités. Qu’ils soient liquides ou solides, les apports stimulent majoritairement les nématodes bactérivores et peu les nématodes fongivores, favorisant la voie de décomposition bactérienne dans les sols. Cela indique des matières organiques labiles, facilement dégradables par les bactéries du sol.

L’apport de digestat au sol, une pratique à intégrer avec une vision système

Qu’il s’agisse d’apports de digestats ou non, c’est l’ensemble des pratiques qui détermine l’effet des systèmes de culture sur le fonctionnement biologique des sols. Lors d’un apport de digestat, il est important d’anticiper la nature de son effet sur le sol (effet fertilisant ou amendant) et de l’intégrer dans l’ensemble de la stratégie de fertilisation du système de culture.

Par ailleurs, si l’apport de digestats de méthanisation solides ou celui d’un fumier est efficace pour augmenter la fertilité biologique des sols, ce n’est pas une pratique suffisante pour améliorer l’habitat et la diversité des nématodes du sol. Pour améliorer l’ensemble du fonctionnement biologique du sol, et mobiliser les autres fonctions du sol comme la structure du sol, la transformation du carbone ou les régulations biologiques, il est essentiel de s’appuyer simultanément sur l’ensemble des leviers de l’agroécologie (stratégie de fertilisation, couverture du sol et diversité végétale, stratégie de travail du sol, utilisation des produits phytosanitaires).

   Les nématodes et leurs propriétés de bio-indicateurs

Les nématodes du sol sont des vers microscopiques, très abondants (plus de 1 million par m2) et diversifiés (jusqu’à 70 espèces sur un même site). Ils sont utilisés comme bio-indicateurs de l’état biologique des sols depuis les années 1990. Une méthode normalisée est utilisée pour les caractériser au laboratoire (ISO NF 23611-4).

Les nématodes peuvent être distingués selon leur comportement alimentaire, formant ainsi des groupes trophiques. Chacun de ces groupes trophiques peut renseigner sur une fonctionnalité du sol :

  • les nématodes microbivores (bactérivores et fongivores) renseignent sur le compartiment microbien, la dynamique de la matière organique et le recyclage des nutriments ;
  • les nématodes prédateurs (niveaux trophiques supérieurs) reflètent les perturbations physiques ou chimiques du milieu ;
  • les nématodes phytophages (obligatoires ou facultatifs) renseignent sur la nature et l’état de la couverture végétale et, éventuellement, le risque de perte de rendement.

Parce qu’ils se placent aux différents niveaux de la chaîne alimentaire des sols (ou réseaux trophiques), les différents groupes trophiques de nématodes reflètent le fonctionnement biologique global d’un sol (Figure 1). L’analyse de la nématofaune et le calcul de plusieurs indices permettent de mesurer le niveau d’activité biologique, les flux de nutriments, la stabilité du milieu et la diversité des organismes, tout en évaluant le risque de dégât sur la culture par les nématodes phytophages (parasites des racines). Les nématodes peuvent être utilisés pour évaluer l’effet des systèmes de culture et des pratiques agricoles sur l’état biologique du sol.

Nématodes et réseaux trophiques (PNG)
Les nématodes sont présents à tous les niveaux de la chaine alimentaire du sol (ou réseaux trophiques)
   Pour aller plus loin

> Bongers, T. (1990). The maturity index: an ecological measure of environmental disturbance based on nematode species composition. Oecologia, 83, 14-19.

> Villenave, C., Chauvin, C., Puissant, J., Henaux, M., & Trap, J. (2022). Impact des pratiques agricoles sur l’état biologique du sol : SIPANEMA, un outil d’aide à la décision basé sur les nématodes. Etude et Gestion des Sols, 29, 199-209.

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.