Face au manque de connaissances sur les éventuels effets de l’épandage de digestats de méthanisation sur les microorganismes vivant dans le sol, le projet Metha-BioSol (2020-2024) a permis d’apporter de nouvelles données scientifiques pour décrire et quantifier objectivement cet impact.

État des connaissances

Peu de données scientifiques sont disponibles pour objectiver l’impact des digestats de méthanisation sur la santé des sols. Dans certaines études, il apparaît qu’un apport de digestat (liquide ou solide) induit une augmentation de la biomasse microbienne et une modification de la structure des communautés microbiennes des sols. Une méta-analyse récente rapporte que les digestats de méthanisation auraient un effet neutre sur la qualité microbiologique du sol dans 50 % des cas ; des effets négatifs, quant à eux, seraient observés dans 7 % des cas. Ces résultats ne permettent cependant pas de conclure quant à l’absence de risque écologique des digestats sur la qualité microbiologique des sols. Afin de contribuer à enrichir le débat sur l‘impact des digestats sur la qualité microbiologique des sols, le projet Metha-BioSol a été monté.

Logo Metha-BioSol
   En savoir plus sur le projet Métha-BioSol

Le projet Metha-BioSol, cofinancé par le ministère de l’Agriculture, l’ADEME et GRDF, a débuté en septembre 2020. Ce projet rassemble un réseau de partenaires complémentaires impliquant la recherche publique et privée sur la biologie des sols agricoles (INRAE, CNRS, Université, ESA d’Angers, Elisol Envt, ENS, Lycée Agricole d’Obernai), des associations agroenvironnementales (GERES, AILE), des acteurs du développement agricole (Chambres d’agriculture, ACE Méthanisation) et des juristes du droit des sols (université Jean Moulin Lyon 3).

Le principal objectif du projet Metha-BioSol est d’aider les agriculteurs à évaluer l’impact de leurs pratiques d’épandage de digestats de méthanisation sur la qualité biologique de leur sol via des outils opérationnels de type bioindicateurs. In fine, cela leur permettra de mieux appréhender les impacts environnementaux de ces pratiques et ainsi la durabilité de leurs productions. Cet objectif principal se décline en trois sous-objectifs :

  • Générer des données scientifiques actuellement manquantes sur l’impact à court terme (via la mise en place d’essais en conditions contrôlées tels que des meso-microcosmes) et moyen terme (via des sites expérimentaux recevant des épandages de digestats depuis plus de 5 ans) des digestats de méthanisation sur la biologie des sols.
  • Évaluer les pratiques d’épandage de digestats de méthanisation sur le terrain. Ceci se fait via des prélèvements au champ dans des parcelles cibles appartenant à un réseau d’agriculteurs déjà utilisateurs de digestats. Ce réseau a été mis en place spécifiquement dans le cadre de ce projet.
  • Transférer et communiquer les résultats obtenus aux différents acteurs en lien avec la gestion des digestats de méthanisation (agriculteurs utilisateurs, accompagnateurs de projets, conseillers agricoles, communautés de communes, chercheurs, grand public…).

Pour plus d’informations sur le projet Metha-BioSol : https://metha-biosol.hub.inrae.fr/

La microbiologie du sol, un indicateur sensible aux pratiques agricoles

Un gramme de sol contient un milliard de bactéries et des centaines de milliers de champignons. Dans ce gramme de sol, plusieurs millions d’espèces microbiennes ont également été décrites. Cette grande diversité joue un rôle fondamental dans le fonctionnement du sol en matière de minéralisation de la matière organique, de dépollution (sol et eau), de fertilité (disponibilité en nutriments), d’état sanitaire, etc. (Figure 1). De ce fait, le sol représente l’élément-clef des écosystèmes terrestres en raison de son implication dans la régulation des principaux flux de matière et d’énergie à l’échelle de la biosphère.

Rôles des microorganismes du sol
Rôles des microorganismes du sol

Depuis plus d’un siècle, l’activité humaine (construction, productions animale et végétale) a induit de nombreuses altérations du sol, à la fois physicochimiques (acidification, érosion) et biologiques (perte de biodiversité). Ces altérations peuvent avoir des conséquences sur le fonctionnement biologique du sol, et plus largement sur les services rendus par celui-ci (fertilité, résilience, dépollution…).


Les microorganismes du sol sont connus pour être sensibles aux pratiques agricoles (labour, apports de produits résiduaires organiques, couverture des sols…), avec des réponses assez immédiates. Par ailleurs, du fait de leur implication dans la plupart des grandes fonctions du sol, toute modification des microorganismes aura aussi une répercussion sur le fonctionnement biologique du sol et les services qu’il peut rendre pour les productions agricoles (fertilité, résilience, dépollution…). Cela en fait donc de très bons indicateurs précoces de l’impact des pratiques agricoles sur la qualité microbiologique du sol.

   Pour aller plus loin : Les indicateurs microbiologiques

La stratégie retenue pour caractériser les communautés microbiennes des sols (bactéries et champignons) est basée sur l’utilisation d’outils moléculaires qui permettent de s’affranchir des biais liés à la culture des microorganismes telluriques, dont on estime que seulement 0,1 à 10 % sont cultivables sur des milieux synthétiques (Figure 2).

Ainsi, la densité et la composition taxonomique des communautés microbiennes (bactéries et champignons) sont analysées par des outils moléculaires basés sur la caractérisation de l’ADN extrait du sol. Dans ce contexte, l’ADN est extrait en utilisant une méthode qui a été développée au sein de laboratoire appartenant à l’UMR Agroécologie.

L’abondance et la diversité des communautés microbiennes des sols sont caractérisées par des outils de métagénomique environnementale basés sur l’extraction et la caractérisation de l’ADN du sol. Plus précisément, la biomasse moléculaire microbienne (abondance) est évaluée par une estimation de la quantité d’ADN extraite. La densité des communautés de bactéries et de champignons est évaluée en quantifiant respectivement le nombre de copies des gènes ribosomiques 16S et 18S dans les sols par la méthode de PCR en temps réel. Enfin, la diversité taxonomique des bactéries et des champignons est caractérisée par un séquençage massif (illumina) des gènes ribosomiques (16S pour les bactéries et 18S pour les champignons). Par ailleurs, l’équipe BIOCOM de l’UMR Agroécologie a développé des référentiels nationaux pour chacun de ces indicateurs, ce qui permet de découpler l’effet du type de sol de l’effet des pratiques agricoles, permettant in fine un diagnostic robuste et opérationnel.

Stratégies moléculaires pour la caractérisation des communautés microbiennes du sol
Stratégies moléculaires pour la caractérisation des communautés microbiennes du sol

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.