Les digestats de méthanisation contiennent tous les éléments nécessaires aux besoins des sols et des cultures. Ils peuvent être valorisés sur toutes les cultures annuelles, intermédiaires (CIVE et dérobées) et aussi sur les prairies. Bien les valoriser permet de faire des économies d’engrais et d’amendements tout en respectant l’environnement.

Connaître son digestat

Afin d’utiliser de manière optimale les digestats, la première étape est de connaître les produits qui vont être épandus. En effet, les digestats sont très variables selon le mode de méthanisation (voie sèche ou humide), les intrants et les post-traitements appliqués.

Pour connaître la composition physico-chimique des digestats et leurs propriétés, il existe plusieurs possibilités :

  • Utiliser le schéma interactif situé dans Classes de digestats afin de trouver la classe du digestat à épandre et la fiche associée ;
  • Utiliser l’outil Concept-Dig afin de (i) prédire la classe du digestat à épandre à partir de la recette d’intrants et (ii) prédire sa composition physico-chimique ;
  • Utiliser les analyses des paramètres physico-chimiques réalisées par des laboratoires à partir d’un échantillon homogène.

Calculer la dose d’apport en NPK

Le principe d’équilibre de la fertilisation, applicable à l’ensemble des fertilisants, s’applique aussi aux digestats. L’objectif est d’assurer la couverture des besoins de la culture par le sol et par les digestats. Le calcul de la dose d’apport doit considérer l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). Pour l’azote :

   Calcul de la dose de digestat à épandre

1. Calculer la dose d’azote nécessaire pour satisfaire les besoins de la culture en utilisant l’équation du bilan de masse :

Dose d’azote à apporter = besoins en azote pour un objectif de rendement – (reliquat d’azote du sol + fournitures du sol par minéralisation des matières organiques du sol)

2. Calculer la quantité de digestat ayant le même effet azote que la dose calculée :

Le coefficient d’équivalence engrais azoté (Keq N) est l’indicateur qui permet d’exprimer la fourniture d’azote efficace par les digestats (et des produits organiques en général) par rapport à un engrais minéral du commerce.

Il est lié à la culture et à la période d’apport et est fortement impacté par les conditions d’épandage et météorologiques après apport.

Au niveau réglementaire, il faut toujours se référer aux arrêtés référentiels régionaux disponibles sur les sites Internet des DREAL ou DRAAF locales où des valeurs de référence de Keq N existent pour les différents Produits Résiduaires Organiques, dont les digestats. Ces valeurs sont à utiliser de façon obligatoire dans le calcul de la dose à apporter à la culture dans les zones vulnérables aux nitrates.

   Information nécessaire au calcul de dose
  • Bulletin d’analyse du digestat pour connaître la teneur en N total (en % ou g/kg) et la masse volumique (en t/m3)
  • Coefficient d’équivalence engrais azoté (Keq N) dans l’arrêté référentiel régional disponible sur les sites Internet des DREAL ou DRAAF locales :
   Formules et exemples de calcul - N
  • Calculer la dose de digestat à épandre

    Formules pour calcul de la dose d'azote efficace et quantité de digestat à épandre

  • Exemple - dose de digestat à épandre

    Je suis en Bretagne. La teneur d’azote total de mon digestat brut est de 3,7 g/kg (de matière brute) et la masse volumique de 1,1 t/m3. Combien dois-je épandre sur mon blé en sortie d’hiver pour apporter l’équivalent à 60 kg/ha d’azote efficace (200 kg/ha d’ammonitrate) ?

    La teneur en N efficace de mon digestat est de :

    Teneur en N total g/kg x Keq N pour un apport de printemps sur blé en Bretagne

    3,7 x 0,6  = 2,22 ‰

    La dose à épandre est de :

    Dose de N à apporter / teneur N efficace / masse volumique

    60 / 2,22 / 1,1 = 27 m3/ha

  • Exemple - quantités d'azote total et efficace apportées

    A combien d’azote total et d’azote efficace correspond un épandage de 25 m3/ha d’un digestat brut (N total = 3,3 g/kg, masse volumique = 1,05 t/m3) apporté sur un maïs en Lorraine ?

    La quantité d’azote total apportée est de :

    Volume de digestat apporté x teneur N total x masse volumique

    25 x 3,3 x 1,05 = 87 kg/ha

    La quantité d’azote efficace apportée est de :

    Quantité d’azote total apporté x Keq N pour un apport de printemps sur maïs en Lorraine

    87 x 0,7  = 61 kg/ha

En raisonnant les apports de digestat en fonction de l’azote, il ne faudra pas oublier de regarder les quantités apportées en autres éléments fertilisants au regard des capacités d’exportation des cultures.

   Formules et exemples de calcul - P et K
  • Calculer les quantités de P et K apportées par le digestat

    formules de calcul des quantités de phosphore et potassium apportées avec un digestat

  • Exemple - quantités de P et K apportées par le digestat

    Mon digestat a 3 ‰ de P2O5 et 3,5 ‰ de K2O, ai-je besoin de compenser mon apport de 30 m3/ha sur maïs avec un engrais phosphorique et/ou potassique du commerce ?

    La quantité de phosphore apportée est de :

    Volume de digestat apporté x teneur en P2O5

    30 x 3 = 63 kg/ha

    La quantité de potasse apportée est de :

    Volume de digestat apporté x teneur en K2O

    30 x 3.5 = 90 kg/ha

    Ces quantités sont à soustraire de la dose de P ou de K à apporter. Le calcul de cette dose est à raisonner à l’échelle de la rotation en considérant les exportations des cultures.  Pour le maïs grain les exportations sont de l’ordre de 6 kg P2O5/tonne. Un rendement de 10 tonnes/ha correspond à 60 kg P2O5/ha. Dans l’exemple, un apport de 30 m3/ha de digestat est compatible avec l’équilibre de la fertilisation phosphatée.

Déterminer la période optimale d’apport et choisir le matériel d’épandage

Comme pour tout produit organique, la fertilisation avec les digestats est à raisonner en fonction des besoins des cultures et leur stade de développement, des disponibilités en éléments fertilisants dans le sol, des limites techniques et des différents textes règlementaires visant à protéger la qualité de l’eau et de l’air.

Les digestats bruts et les fractions liquides apportent surtout des éléments fertilisants et moins de matière organique stable. Ils sont riches en azote ammoniacal rapidement transformé en nitrate, forme préférentielle d’absorption de l’azote par les cultures. Pour une valorisation optimale, il convient de :

  • privilégier un apport au plus près du début de la période d’absorption intense de l’azote minéral de chaque culture : épi 1 cm pour un blé, 6-8 feuilles pour un maïs, reprise de la végétation pour une prairie ;
  • réaliser un travail du sol dans les 4 heures après l’apport ou utiliser un enfouisseur pour limiter les pertes vers l’atmosphère (cf. Pertes d’azote par volatilisation).

Les digestats bruts ou liquides avec une majorité d’effluents de ruminants dans la ration ont une fraction d’azote ammoniacal plus faible que les digestats issus de lisier de non ruminant. Ainsi, leurs épandages peuvent être un peu avancés par rapport à ces derniers.

Recommandations à l'épandage pour les digestats bruts et les fractions liquides. Le code couleur indique la faisabilité technique pour chaque équipement, avec des conseils pour limiter les pertes d'azote par volatilisation.

Les fractions solides ou compostées ont un effet plutôt amendant grâce à leur teneur significative en matière organique stable. Ils apportent néanmoins aussi des éléments fertilisants. Cependant une grande partie de l’azote qu’ils contiennent est sous forme organique. Dans le sol, cet azote va encore être transformé dans des formes disponibles pour les plantes. Pour une valorisation optimale, il convient de :

  • épandre ces produits avant le démarrage de l’absorption par les cultures. Ceci permettra à la culture de profiter des périodes de minéralisation de l’azote organique, qui sont dépendantes de l’humidité et de la température du sol, et de minimiser les pertes par lixiviation ;
  • réaliser une incorporation au sol dans les 4 heures après l’apport pour limiter les pertes vers l’atmosphère (cf. Pertes d’azote par volatilisation).

Les digestats Fraction Solide – autres situations dont majorité végétale sont particulièrement riches en phosphore.

Recommandations à l'épandage pour les fractions solides. Le code couleur indique la faisabilité technique pour l'épandeur à table, avec des conseils pour limiter les pertes d'azote par volatilisation.

Estimer l’apport en matière organique

Ce sont les fractions solides des digestats et les digestats de voie sèche qui apportent le plus de carbone au sol, avec un effet surtout structurant et physique. Le devenir de ce carbone et le calcul de la quantité apportée par les digestats sont présentés dans la rubrique Valeur amendante.

   Calcul de la quantité de matière organique apportée

Prendre en compte l’ensemble du parcellaire

Les épandages de digestats faits de manière préférentielle sur certaines parcelles de l’exploitation (les plus proches du méthaniseur par exemple), peuvent engendrer un transfert de la fertilité vers ces parcelles au détriment des autres.

Il est recommandé d’épandre les digestats sur toutes les parcelles utilisées pour produire les intrants du méthaniseur pour compenser le déplacement d’éléments nutritifs vers le méthaniseur et assurer la fertilité des sols.

Ceci est d’autant plus important dans le cas où les digestats subissent une séparation de phases, ce qui induit la nécessité de gérer concomitamment des fractions liquides et solides.

Les partenaires du projet Ferti-Dig

Le projet a été co-piloté par le laboratoire LBE d’INRAE et la Chambre d’Agriculture Bretagne (CAB).
Les travaux ont impliqué plusieurs équipes complémentaires œuvrant dans la recherche finalisée, la recherche appliquée, l’expérimentation ou l’enseignement. Ces partenaires travaillent ensemble notamment dans le cadre du RMT BOUCLAGE et contribuent à alimenter les références produites par le COMIFER.
Outre les apports d’autofinancements de chacun des partenaires, le projet a bénéficié d’un soutien financier de l’ADEME via son appel à projets « GRAINE », et de GRDF.